La semaine passée, le projet de Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) a été mis en consultation publique. Il prévoit de porter à 44 GW en 2028 la capacité solaire photovoltaïque installée dans notre pays. L’ambition est juste et il faut la saluer. La France a un ensoleillement et un territoire dont l’immense potentiel doit être pleinement mobilisé. A l’évidence, la France doit devenir le premier pays d’Europe pour l’énergie solaire. Reconnaissons cependant que nous partons de loin, la capacité installée à ce jour n’excédant pas 9 GW. Ce sont donc 35 GW qu’il faudra déployer en seulement 8 années. Est-ce réaliste ? Oui, à condition d’oser aborder la question que le gouvernement, comme le précédent d’ailleurs, esquive depuis des mois: où déployer les panneaux solaires ?
A cette question, un rapport de l’Ademe a répondu l’an passé: sur les toitures et les terres anthropisées. Les conclusions de ce rapport ne résistent cependant pas à un examen objectif des faits. Il ne se trouve pas en France la surface de toits et de terres dégradées ou délaissées correspondant à 35 GW d’installations solaires. C’est aussi simple que cela. Pour atteindre les objectifs de la PPE, il faut donc permettre le développement de parcs solaires sur des terres agricoles. La FNSEA s’y oppose fermement, soulignant en particulier la nécessité de défendre la souveraineté alimentaire de la France. C’est aussi la position du gouvernement. Jusqu’à quand ? Peut-on en effet mettre en consultation un objectif dont l’on sait dès le départ qu’il ne pourra être atteint ?
C’est là qu’un rapport parlementaire présenté lui aussi la semaine passée offre une perspective intéressante. Rédigé par les députés Jean-François Cesarini (LaREM) et Bertrand Pancher (UDI), il porte sur la production française de biocarburants et affirme la nécessité de la soutenir. Ce rapport mentionne que 3% de la surface agricole utile française est utilisée par des cultures destinées à la production de biocarburants et juge que « ceci ne représente pas une menace pour l’alimentation si ce développement reste contenu ». Osons une comparaison : si les 35 GW de capacité solaire à installer d’ici à 2028 l’étaient exclusivement sur des terres agricoles, cela ne représenterait que 0,2% de la surface agricole utile française ! Soit quinze fois moins que pour les biocarburants…
Les biocarburants sont certes verts, mais ils brulent malgré tout. Dès lors que l’objectif du gouvernement est à raison de décarboner l’économie et d’évoluer vers la voiture électrique, il est déjà permis de s’interroger sur la pertinence de ce choix. Mais plus fondamentalement, c’est une question de cohérence de politique publique qui se pose: en quoi la défense de la souveraineté alimentaire de la France peut-elle être brandie pour prévenir un développement portant au maximum sur 0,2% de la surface agricole utile alors que 3% de la même surface n’est plus utilisée pour des productions alimentaires depuis des années sans que cela ne contrarie personne ? Ce sujet-là doit pouvoir être soulevé dans les débats qu’ouvre la mise en consultation publique de la PPE.
Les terres cultivées aux fins de production de biocarburants ne contribuent plus à l’alimentation, celles qui seraient utilisées pour le développement de grands parcs solaires le pourraient en revanche. Il doit être possible en effet de promouvoir, en relais d’un accès raisonné et contrôlé à ces terres, le principe d’une coactivité sur la même emprise foncière. Sous les panneaux solaires peuvent être développées des activités maraîchères et d’élevage. Des exemples existent déjà. C’est une perspective qu’il faut faire connaître et encourager. La réalisation de l’objectif de la PPE pour l’énergie solaire photovoltaïque passe par là. Seuls de grands projets au sol, économiquement compétitifs et vertueux, permettront à la France de devenir le leader européen de l’énergie solaire qu’elle doit être.